Admettons que vous passiez les meilleures vacances de votre vie pendant un mois. Vous vous mettez en route pour le retour et là, catastrophe, votre vol est retardé de douze heures. Une fois dans l'avion, vous traversez des zones de turbulences. Enfin, arrivé sur la terre ferme, vous êtes obligé de prendre un taxi, car on ne sait pas venir vous chercher à la nouvelle heure. En somme, rien de grave, juste quelques contraintes. Vous rentrez, et quand votre famille vous demande comment s'est passé vos vacances, de quoi allez-vous parler en premier?
Si nous sommes honnêtes, il y a de grandes chances pour que cela soit d'abord les points négatifs qui vous viennent à l'esprit, et ce, peu importe si les vacances étaient fantastiques. Derrière cette négativité se cache un biais, et c'est ce que nous allons voir aujourd'hui !
Définition du biais de négativité
Le biais de négativité est un biais cognitif qui tend notre esprit à être plus réceptif aux aspects négatifs de notre vie. Il se manifeste lorsque nous accordons plus d'importance aux expériences négatives qu'aux expériences positives, même lorsque celles-ci sont moins fréquentes ou moins significatives. En d'autres termes, nous sommes plus enclins à mémoriser, à réagir émotionnellement et à accorder plus de poids aux événements désagréables ou menaçants qu'aux événements plaisants ou positifs.
Exemples de biais de négativité
Médias et actualités
Cela ne vous aura pas échappé, les médias ont tendance à nous proposer une actualité assez négative. Guerre, attentat, crise économique, tensions politiques, réchauffement climatique et bien plus encore. Au point où on a tendance à penser que "le monde est pourri", que "tout va mal", ou encore que "le monde court au désastre".
En réalité, les choses ne sont pas aussi sombres. Mais l'être humain est, comme on l'a vu, programmé pour poser son attention sur ce qui est négatif. Or, les médias ne sont pas payés pour nous informer, mais pour attirer notre attention. Plus on attire l'attention, et plus on a d'audimat à la télévision, de vu sur une vidéo, ou encore d'achat dans les journaux.
Les médias utilisent donc le biais de négativité en nous proposant une actualité alarmante, car c'est d'abord et avant tout notre attention qui leur importe.
Relations amoureuses
Avez-vous déjà remarqué que lorsqu'un ami vient vous parler de sa rupture, il ne parle pratiquement que de manière négative de la personne? Ici aussi le biais de négativité a frappé !
Notre cerveau va privilégier la (re)mémorisation des pires souvenirs avec cette personne, jusqu'à exagérer certains points. Ceci afin de nous préserver. En effet, il est plus facile de passer à autre chose quand on voit la personne comme quelqu'un de mauvais, plutôt que comme quelqu'un de bien.
Auto-perception
Que cela soit en termes de confiance en soi ou d'estime de soi, les deux passent par l'auto-perception. Le biais de négativité va également venir biaiser l'image que l'on a de nous.
Par exemple, si un étudiant ramène deux échecs dans son bulletin scolaire, nous allons nous focaliser sur ces deux échecs, et non sur les dix autres cours où il a eu des notes proches du maximum. Car nous sommes programmé pour poser notre attention sur nos échecs en priorité sur nos victoires.
Il en va de même pour quelqu'un ayant une moins bonne performance que d'habitude dans sa séance sportive. Même si le résultat est impressionnant, la personne restera focalisée sur le fait que c'est moins bien que la dernière fois. Sans forcément chercher à raisonner sur les conditions peut être différentes de cette performance.
Dans les deux cas cités, le biais peut entrainer une baisse aussi bien dans l'estime de soi que dans la confiance en soi.
Les mécanismes du biais de négativité
Plusieurs mécanismes psychologiques sous-tendent le biais de négativité :
- Évolutionnaire : Certains chercheurs suggèrent que ce biais pourrait être lié à notre évolution, où la survie a souvent dépendu de la détection rapide des menaces et des dangers. En conséquence, notre cerveau est câblé pour accorder une attention particulière aux éléments négatifs de notre environnement.
- Sélectivité de l'attention : Notre attention a tendance à être attirée par les événements négatifs, car ils suscitent des émotions plus fortes et des réponses physiologiques plus intenses que les événements positifs.
- Effet de mémorisation : Les expériences négatives ont tendance à être mémorisées plus facilement et plus durablement que les expériences positives, ce qui renforce notre perception selon laquelle le monde est intrinsèquement négatif.
L'impact du biais de négativité
Le biais de négativité peut avoir plusieurs conséquences :
- Anxiété et Stress Accrus : Une focalisation excessive sur les aspects négatifs de la vie peut contribuer à l'anxiété, au stress et à la détresse émotionnelle.
- Déformation de la Perception : Le biais de négativité peut altérer notre perception du monde, en nous faisant voir les choses de manière plus sombre et pessimiste qu'elles ne le sont réellement.
- Impact sur le Bien-être Mental : Une attention excessive aux événements négatifs peut nuire à notre bien-être mental et à notre qualité de vie globale.
Comment se libérer du biais de négativité?
S'en libérer n'est pas chose facile, puisqu'il fait partie intégrante de notre fonctionnement. Nous pouvons cependant mettre en place certaines choses afin de diminuer ses effets sur nous, et par la même améliorer notre bien-être.
La prise de conscience
Comment pour beaucoup d'autres biais, le simple fait de prendre conscience de l'existence et du fonctionnement du biais de négativité permet de plus facilement relativiser lorsque nous tombons dans la négativité.
Tenir un journal "Mood Diary"
Le négatif a souvent tendance à éclipser les éléments positifs de notre journée. il arrive même que nous ayons un tas de choses positives, mais qu'un simple contre-temps amène l'orage dans notre tête. C'est pourquoi il est utile de tenir un "journal d'humeur".
Chaque soir, prenez note des évènements positifs et négatifs de votre journée. En faisant l'effort de réfléchir aussi bien au positif qu'au négatif, cela vous permettra d'avoir une vision plus réaliste des choses, et bien souvent de se dire "au final, la journée n'était pas si mal !".
Il existe également des applications, telles que Daylio qui permettent de faire le même exercice, en ajoutant certaines fonctionnalités comme des statistiques sur notre humeur.
Conclusion
En conclusion, le biais de négativité influence directement notre perception du monde, ainsi que nos prises de décision. En comprenant ce phénomène et en adoptant des stratégies pour le gérer, nous pouvons tendre vers une vision plus réaliste des choses, et guider nos choix de manière plus rationnelle. Ceci afin d'améliorer notre qualité de vie et notre bien-être.

Pour aller plus loin...
- Le Codex des biais cognitifs
- Lyubomirsky, S., Sheldon, K. M., & Schkade, D. (2005). Pursuing Happiness: The Architecture of Sustainable Change. Review of General Psychology, 9(2), 111-131. https://doi.org/10.1037/1089-2680.9.2.111
- Masmoudi, S. & Naceur, A. (2010). Du percept à la décision: Intégration de la cognition, l’émotion et la motivation. De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.masmo.2010.01
- Lemaire, P. (2021). Émotion et cognition. De Boeck Supérieur.
-
Haidt, J. (2010). Chapitre 2. Changer d'état d'esprit. Dans : , J. Haidt, L'hypothèse du bonheur: la redécouverte de la sagesse ancienne dans la science contemporaine (pp. 39-61). Wavre: Mardaga.